La PDG de l’entreprise BTM, Henriette Kaboré, a été distinguée lors
du programme d’excellence dédié, chaque année, aux femmes leaders d’Afrique
dans le domaine des affaires, de la gouvernance et du développement. La
cérémonie, organisée par l’Agence CEO (Célébrer l’excellence en organisation),
a livré son verdict, en mars dernier, en Afrique du Sud. Plusieurs femmes
battantes du continent ont été sélectionnées dans 23 domaines d’activités. Et
c’est Henriette Kaboré qui a été proclamée «meilleure des meilleures» dans le
domaine du Bâtiment et des Travaux publics. Selon l’ambassadrice du Burkina
Faso en Afrique du Sud, Salamata Sawadogo, que nous avons contactée, «les
critères qui ont prévalu à la distinction de Madame Kaboré sont certainement à
rechercher dans son parcours et son combat dans le secteur du bâtiment au
Burkina Faso». Le jury, composé d’experts en matière de leadership et de
développement, avait sur sa liste des femmes «qui, dans leur pays, mènent des
activités dans divers domaines où elles excellent, voire laissent un impact sur
la vie publique, sociale, etc.». Henriette Kaboré a porté haut le drapeau du
«pays des Hommes intègres». Ce qui me préoccupe, dit-elle, «c’est de rester
très professionnelle dans mon domaine». Et ce n’est pas tout. Interview avec la
«dame de fer du BTP».
Courrier
confidentiel : Vous avez été distinguée «meilleure femme entrepreneure
d’Afrique dans le domaine du Bâtiment et des Travaux publics». Quel est votre
secret en matière d’entreprenariat ?
Henriette Kaboré :
Il n’y a pas de secret véritable. Il y a juste un comportement: aimer ce que tu
fais, bien faire ce que tu fais, respecter tes engagements vis-à-vis de tes
partenaires et de tes clients dans ce que tu fais.
Le programme distingue,
chaque année, les femmes les plus influentes du continent dans 23 domaines
d’activités. Quelles sont vos réalisations majeures qui ont prévalu à ce
prix ?
J’ai été distinguée
dans le domaine du Bâtiment et des travaux publics. Mes réalisations majeures
qui ont sans doute pesé dans ma distinction sont à classer dans deux
catégories :
·
Les activités de construction de bâtiments et de travaux
publics : dans cette catégorie, je peux citer les grandes réalisations
suivantes : le siège de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA),
la salle polyvalente à Ouaga 2000, le siège de la Banque commerciale du Burkina
(BCB), les postes juxtaposés de l’UEMOA à Cinkansé, la cité universitaire de
750 lits à Kossodo, les «amphis de Syrte et de l’Union africaine» à
l’Université de Ouagadougou, et bien d’autres. Sans oublier celles réalisées en
Côte d’Ivoire. Bref, la liste est longue.
·
Les activités de promotion immobilière : cette catégorie est
innovante dans mon savoir-faire. A ce sujet, je peux retenir le projet
ambitieux et gigantesque de la «Cité Les Dauphins» dans le prolongement de
Ouaga 2000.
Justement, à travers
cet ambitieux projet immobilier, engagé il y a quelques années, vous avez voulu
contribuer à la résolution du problème de logements au Burkina. Où en est-on
avec ce projet ?
Le projet avance bien.
Nous nous efforçons de livrer les maisons aux premiers souscripteurs dans les
meilleurs délais. Les évènements socio-politiques intervenus au Burkina en
octobre 2014 ont joué sur le délai de livraison. Mais pour le reste, les maisons
seront livrées. Les constructions sont pratiquement terminées. Il ne reste que
la fourniture d’eau et d’électricité. Mais cela ne dépend pas directement de
moi. Depuis huit mois, j’insiste auprès de l’ONEA et de la SONABEL pour que
cela soit fait afin que je puisse livrer les maisons aux souscripteurs. Mais
elles traînent le pas. Je lance donc un cri du cœur aux organismes nationaux
compétents pour qu’ils me facilitent la viabilisation de la cité afin de
permettre aux acquéreurs d’y habiter dans les meilleurs délais.
Et celui concernant les
logements sociaux qui devait s’étendre sur 475 ha dans la zone de Koubri ?
Le projet de Koubri est
maintenu et avance doucement mais sûrement. En gros, ce projet se porte bien
également. Les difficultés qui l’ont emmaillé au début de sa mise en œuvre ont
été levées. Nous avions repris contact avec les autorités et la population de
Koubri et nous avons pu régler la question foncière dans un esprit de dialogue.
Ce projet de programme
immobilier présente un intérêt pour tous les acteurs de la zone. Il crée un
pôle d’activités susceptible de générer des emplois pour les jeunes et, subséquemment,
des recettes fiscales pour la commune. Ce projet soutient l’Etat dans la mise
en œuvre de la politique nationale de logement dans laquelle le secteur privé
est invité à contribuer.
Certains disent que
vous êtes la «dame de fer du BTP» au Burkina. Ce qualificatif vous
convient-il ?
On ne peut pas empêcher
les gens de développer des qualificatifs sur d’autres personnes. Tant que vous
faites quelque chose de visible, c’est-à-dire lorsque vous êtes entreprenant,
vous êtes dans le viseur de tout le monde. Le plus important ce n’est pas le
qualificatif qu’on vous donne. Mais ce que vous faites réellement. Le fer,
c’est le symbole de la dureté. Si à travers ce qualificatif, c’est pour dire
que BTM résiste aux nombreuses et diverses épreuves pour mener à bien ses
projets, je dirai qu’il me convient. Les épreuves dans l’entreprenariat et
surtout dans le BTP sont énormes ; il ne faut surtout pas se laisser
abattre, sinon vous fermez boutique. Ce qui me préoccupe, c’est de rester très
professionnelle dans mon domaine. Pour le reste, il appartient à chacun de
faire son jugement.
Comment avez-vous vécu
l’insurrection des 30 et 31 octobre ?
Des jours difficiles…
Cette insurrection
était-elle, selon vous, prévisible ?
Les troubles étaient
prévisibles car depuis des mois, avant octobre, tout le monde voyait le
mercure social monter. Cependant, l’ampleur du mouvement a dépassé le simple
cadre de ce qu’on pourrait appeler trouble pour être un mouvement
insurrectionnel. Personnellement, ce que j’ai vu et ce qui s’est passé n’était
pas prévisible pour moi. Je pense qu’elles sont nombreuses comme moi, les
personnes qui ont été surprises par l’ampleur du mouvement.
La situation
socio-politique actuelle a-t-elle une influence sur vos activités ?
Autrement dit, vos clients peuvent-ils être rassurés qu’ils auront leurs
maisons ?
Il est clair que la
situation actuelle a une influence sur les activités du groupe BTM. Mais il
faut être positif ; nous ne sommes pas les seuls. C’est une situation
générale. A partir de ce moment, il faut ajuster les ambitions et les activités
aux contraintes du moment.
Je vous assure que tous
nos clients auront leurs maisons. J’insiste qu’ils auront leurs maisons avec
les mêmes garanties de qualité et de confort. Sans les clients, BTM-Immo
n’existerait pas. Leur satisfaction constitue notre priorité aujourd’hui. C’est
justement pour respecter nos engagements vis-à-vis de nos clients que nous
avons ajusté nos ambitions et nos activités aux contraintes du moment, en
opérant des choix prioritaires pour 2015-2016.
Nous avons vu récemment
des reportages de télévision sur des programmes de logements d’autres acteurs.
On y a relevé des maisons inoccupées. Plusieurs personnes se plaignent de la
qualité des constructions. Comment appréciez-vous cela ?
Il est difficile de
s’exprimer sur des situations de ce genre, parce que les gens verront dans ma
réponse celle d’un concurrent qui parle. Mais je pense qu’en matière de
promotion immobilière, il y a des règles minimales à respecter comme dans toute
activité. Mieux, il existe une loi sur la promotion immobilière. Lorsque le
citoyen lambda, à l’œil nu, remet en cause la solidité d’un ouvrage, il y a
quand même à réfléchir. Lorsque des acquéreurs doivent mettre de l’argent dans
des maisons neuves avant de les occuper, il y a problème. Lorsqu’ils sont
amenés à faire des grosses réparations dans les premières années de
l’occupation, cela signifie que ça ne va pas. Toutes ces situations arrivent parce
que les garanties minimales exigées par l’activité de promotion immobilière ne
sont pas offertes aux clients. Je pense qu’il est du devoir de l’Etat
d’exiger des promoteurs immobiliers le respect d’un code d’éthique de
l’activité.
Quel est votre point
fort dans la promotion immobilière ?
Je n’ai pas de point
fort dans la promotion immobilière. Pour moi, cette activité est un tout et
chaque maillon doit être fort. Les différents maillons de la chaîne de
l’activité se tiennent.
Il faut bien négocier
les acquisitions foncières pour offrir une garantie juridique aux clients par
l’octroi de titres fonciers ;
Il faut offrir aux
clients, des maisons de bonne qualité de construction offrant un bon confort de
vie à l’intérieur dans un bel environnement.
Il faut bien
commercialiser les produits en tenant compte des différents revenus.
On peut ainsi étendre
les points forts.
La présidente de la
Chambre de commerce, Alizèta Ouédraogo, a quitté le Burkina pendant
l’insurrection des 30 et 31 octobre. Comment voyez-vous l’avenir de cette
institution ?
Je ne vois aucun
problème dans l’avenir de la Chambre de commerce. D’ailleurs, vous dites bien
qu’il s’agit d’une institution. Une institution n’est pas liée à un individu.
L’institution vit au-delà de la vie de ses dirigeants et de celle de ses
membres. La Chambre de commerce est une personne morale; elle va continuer à
vivre conformément aux textes qui la régissent.
L’élection des membres
de cette Chambre devrait avoir lieu bientôt. Du haut de votre expérience dans
le domaine de l’entreprenariat, et au regard des défis actuels, quel pourrait
être, selon vous, le portrait-robot du futur président de ce «poumon» de
l’économie nationale ?
On ne va pas dresser un
portrait-robot pour un futur président de la Chambre de commerce. Selon moi, Il
y a deux choses à prendre en compte pour désigner un président de cette
Chambre:
·
Les missions de l’institution,
·
Les règles de fonctionnement de l’institution qui définissent en
même temps le mode de désignation de son président.
En septembre 2014, vous
avez été élue présidente du Conseil d’administration de la Maison de
l’entreprise du Burkina. Quels sont vos grands chantiers ?
C’est un grand défi.
Mais pour ma part, je pense qu’il faut renforcer la capacité de la Maison de
l’entreprise à pouvoir accomplir ses missions premières avec efficacité.
Dans un deuxième temps,
il faut veiller à ce que l’accompagnement des entreprises soit une réalité afin
que ces dernières puissent créer de l’emploi. C’est de cette manière que l’on
peut lutter contre le chômage des jeunes.
Le développement du
partenariat avec d’autres structures similaires dans le monde et les
institutions de financement est également inscrit dans mon agenda.
Quels conseils
avez-vous à l’endroit des jeunes qui souhaitent se lancer dans la création
d’entreprise ?
La première chose à
leur conseiller, c’est la formation professionnelle. Quand vous n’avez pas de
formation professionnelle, vous ne pouvez pas bien faire ce que vous souhaitez
faire dans votre entreprise ; vous ne pouvez donc pas contrôler la qualité
de la production de votre entreprise.
Ensuite, c’est le
travail. Il n’y a pas plusieurs manières pour réussir. Seule la réussite par
votre bon travail vous garantit une vie tranquille. Ceux qui prennent les
raccourcis tombent vite. A nos enfants, nous avons le devoir de leur inculquer
la culture du travail bien fait pour réussir.
Comment appréciez-vous
la marche de l’économie sous la Transition ?
Vous me posez une question à laquelle je n’ai pas les compétences
requises pour répondre ! L’économie, ce n’est pas mon domaine. Moi, je
parle mieux quand on discute du béton. Si vous me demandez, par exemple, si le
béton coûte plus cher actuellement qu’avant la Transition, je dirais, pas
vraiment. Mais est-ce que cela suffit pour donner une appréciation sur la
marche de l’économie sous la Transition ? Je pense que non. Il faut que je
reste dans mon domaine au risque de faire un jugement erroné. Il y a des
économistes et des financiers chevronnés au Burkina pour donner des avis
éclairés sur cette question importante.
Qu’avez-vous, du fond
du cœur, envie de dire pour terminer cet entretien ?
Je
voudrais profiter de votre micro pour lancer un message à tous les Burkinabè,
sans exception, chacun à quelque niveau qu’il soit. Je voudrais demander à
chacun de faire une analyse objective et tirer les enseignements de
l’insurrection des 30 et 31 octobre. Ce qui est arrivé est douloureux pour tous
et pour le pays. Faisons en sorte que ces évènements ne nous divisent pas
au-delà. Ayons un esprit de vérité, cultivons la tolérance et le pardon afin
que le Burkina demeure toujours un pays de paix et de sécurité. La paix et la
sécurité sont indispensables pour notre développement.
Source: courrierconfidentiel.net
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